Le contrôle fiscal renforcé :
comprendre, anticiper, sécuriser

Edition 2025

Les fonctions comptables et fiscales sont en pleine mutation. La dématérialisation croissante des flux, l’utilisation de l’IA et le ciblage de plus en plus précis des contrôles, exposent les entreprises à un risque fiscal de plus en plus difficile à maîtriser.

Dans le même temps, la lutte contre la fraude et le renforcement du rendement du contrôle fiscal restent des priorités majeures pour l’État. Le contrôle fiscal n’est donc plus une simple formalité administrative : il est devenu une procédure à forts enjeux, susceptible de mobiliser d’importantes ressources financières et organisationnelles.

Depuis quelques années, Bercy a initié une transformation profonde de ses méthodes. Sous l’impulsion de la loi ESSOC, le ministère de l'Économie et des Finances a mis en place une « nouvelle relation de confiance » avec les entreprises, fondée sur la transparence, l’anticipation et la correction volontaire des erreurs. Cette volonté s’est traduite par plusieurs dispositifs (accompagnement fiscal personnalisé, Examen de Conformité Fiscale...), mais aussi par un virage technologique majeur.

L’introduction du Fichier des Écritures Comptables (FEC) en 2014 et sa généralisation ont marqué le passage à un contrôle fiscal numérisé et algorithmique. Grâce à des outils puissants de data-mining, les vérificateurs disposent désormais d’une vision instantanée, synthétique et ciblée des risques fiscaux.

Dans ce nouveau paysage, les entreprises doivent faire évoluer leurs pratiques. Il ne s’agit plus seulement de réagir en cas de contrôle, mais bien de se préparer en amont, d’anticiper les risques et de sécuriser les données transmises à l’administration.



I. Le contrôle fiscal à l'ère du FEC : origine et enjeux

1. La genèse du FEC et la digitalisation du contrôle fiscal

La digitalisation du contrôle fiscal est une ambition forte de l’Administration depuis plusieurs années. L’introduction du Fichier des Écritures Comptables constitue une étape majeure de cette stratégie. Elle rend possible la mise en place de contrôles exhaustifs à distance, reposant sur l’analyse des données contenues dans ce fichier, que les entreprises doivent désormais être en mesure de présenter rapidement.



Le contrôle fiscal avant l’introduction du FEC

Dès les années 1980, alors que l’utilisation des outils informatiques par les entreprises va croissante, l’administration fiscale s’adapte et se dote de moyens de contrôle adéquats. Ainsi en 1982, la notion de Contrôle Fiscal des Comptabilités Informatisées (CFCI) est définie : les vérificateurs sont autorisés à effectuer des traitements informatiques, et les premiers informaticiens rejoignent leurs rangs.

Mais, alors que la digitalisation de l’information comptable et fiscale se poursuit, la DGFiP fait face à un écueil : il n’existe pas de référentiel de présentation et d’archivage des données comptables commun aux entreprises. Se pose alors le problème de la capacité de l’Administration à exploiter des données aux formats très hétérogènes.

En 2005, l’OCDE recommande l’utilisation d’un fichier standardisé d’échange de données entre les entreprises et les administrations fiscales : le SAF-T. Le Fichier des Écritures Comptables (ou FEC), introduit en France en 2012 par la loi de finance rectificative pour 2012, en est une adaptation révisée pour se conformer aux particularités françaises et aux besoins spécifiques de la DGFiP.

Ce fichier reprend l’ensemble des écritures comptables d’un exercice dans un format normé défini à l’article A47 A-1 du Livre des Procédures Fiscales (LPF). Depuis 2014, les entreprises qui tiennent leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés doivent obligatoirement remettre leur FEC aux vérificateurs lors d’un contrôle. À la suite de ce changement majeur, les modalités de contrôle évoluent.



Le contrôle fiscal « sur place », toujours en vie

La vérification de comptabilité est la procédure la plus connue, et souvent redoutée, du contrôle fiscal professionnel. Elle se déroule dans les locaux de l’entreprise, après l’envoi d’un avis de vérification.

Le vérificateur se déplace physiquement pour consulter les pièces justificatives, interroger les responsables et confronter la comptabilité aux déclarations fiscales. Il doit respecter les principes du débat oral et contradictoire, ainsi que les garanties prévues aux articles L.47 et suivants du Livre des procédures fiscales (LPF).

Depuis 2014, si la comptabilité est tenue de façon informatisée, l’entreprise doit obligatoirement remettre un FEC en ouverture des opérations. Ce fichier constitue la base de l’analyse du vérificateur. Il peut être exploré à l’aide d’outils d’extraction de données, de tris, de filtres ou de recherches par mots-clés.

La vérification peut durer plusieurs semaines et déboucher sur :

  • Une absence de redressement ;
  • Une proposition de rectification ;
  • Dans certains cas, un rehaussement assorti de pénalités (erreur, manquement délibéré, fraude...)


L'examen de comptabilité, ou contrôle fiscal à distance

Créé par la loi de finances rectificative pour 2016 et inscrit à l’article L.13 G du LPF, l’examen de comptabilité est une procédure de contrôle à distance, destinée aux entreprises tenant une comptabilité informatisée.

Contrairement à la vérification de comptabilité, le vérificateur ne se déplace pas : il reste dans les locaux de l’administration, et adresse à l’entreprise un avis d’examen, dans lequel il lui demande de transmettre son FEC dans un délai de 15 jours.

Le FEC est ensuite analysé à l’aide de logiciels spécialisés. Le contrôleur dispose d’un délai de 6 mois pour formuler ses conclusions et notifier à l’entreprise une lettre d’absence de rectification, ou une proposition de rectification motivée.

Le dialogue entre l’entreprise et le vérificateur s’effectue principalement par courrier, téléphone ou email, mais un entretien peut être sollicité à tout moment pour éclaircir certains points.

Cette procédure est souvent considérée comme moins intrusive, moins coûteuse en temps et en organisation, mais tout aussi rigoureuse sur le fond.



Le contrôle sur pièces, invisible... mais très courant

Le contrôle sur pièces est une procédure quotidienne au sein de l’administration fiscale. Il consiste à analyser les déclarations fiscales (TVA, IS, CVAE, liasses, etc.) transmises par l’entreprise, sans prise de contact immédiate.

Ce contrôle s’effectue à distance, dans les bureaux de l’administration, à partir :

  • Des éléments déclarés ;
  • Des documents transmis spontanément ou sur demande ;
  • Et de données internes ou croisées (ex : incohérence entre TVA et CA, anomalies dans les flux de comptes bancaires, etc.)

En cas d’incohérence ou d’anomalie présumée, l’administration peut envoyer une demande de renseignement ou de justification (article L.10 du LPF), ou adresser une proposition de rectification (article L.55 du LPF).

Le contrôle sur pièces peut également déboucher sur :

  • Le rejet d'un crédit de TVA ;
  • Une remise en cause de déductions fiscales ;
  • Une évaluation d'office en cas de défaut de réponse.

Bien qu’invisible, ce contrôle est le plus fréquent : il constitue le premier niveau d’intervention du fisc et peut être le prélude à un contrôle plus poussé (examen ou vérification).



Un délai de 15 jours pour transmettre son FEC

Quelle que soit la procédure de contrôle dont elle fait l'objet, l'entreprise doit être en mesure de fournir son FEC au vérificateur dans un laps de temps très court. Dans le cas d'une vérification de comptabilité comme d'un examen à distance, le contribuable doit transmettre son FEC dans un délai de quinze jours après avoir été informé du contrôle.

C'est un délai difficile à tenir si l'entreprise ne s'est pas préalablement assurée de sa capacité à produire ce fichier, et de la conformité de ce dernier aux attentes de l'Administration. Cela signifie que pour parer à toute éventualité de contrôle, les entreprises ont intérêt à générer un FEC à la fin de chaque exercice, le vérifier et l'archiver, de manière systématique.



Amendes et sanctions

Le non-respect de l’obligation de transmission du FEC lors d’un contrôle fiscal donne lieu à des sanctions. Les entreprises s’exposent alors à une amende de 5 000€ (Art. 1729 D du Code général des impôts).

Cette amende s’applique lorsque :

  • L’entreprise refuse de fournir son FEC ;
  • Le FEC n’est pas transmis dans le délai de 15 jours ;
  • Le FEC ne respecte pas les normes de format et de contenu définies par l’Administration.

Cette amende ne peut s’appliquer qu’une seule fois par contrôle, même s’il porte sur plusieurs exercices. Dans le cas où la vérification de comptabilité aboutit à un redressement, l’amende de 5 000€ peut être remplacée par une majoration de 10% des droits mis à la charge de l’entreprise.



2. Le rôle croissant de l'ECF dans la stratégie de la DGFiP


Qu'est-ce que l'Examen de Conformité Fiscale ?

L’Examen de Conformité Fiscale (ECF) a été créé par le décret n° 2021-25 du 13 janvier 2021. Ce nouveau dispositif s’inscrit dans la continuité de la loi ESSOC et vise à renforcer la relation de confiance entre l’Administration et les entreprises. Il permet à ces dernières de faire garantir la conformité de leur comptabilité, de manière volontaire, par un tiers de confiance.

Généralement réalisé par les experts-comptables, ou les Organismes de Gestion Agréés, l’ECF se compose de dix points clés. On retrouve parmi ces points la conformité du FEC et sa qualité comptable, le mode de conservation des documents, le respect des règles liées au régime d’imposition et de TVA, etc.

L’objectif : permettre aux entreprises de sécuriser leur position fiscale avant toute procédure de contrôle, dans une logique de conformité volontaire.



Une adoption en forte croissance

Le recours à l’ECF a nettement progressé ces dernières années. En 2024, ce sont 238 500 entreprises qui ont déclaré vouloir faire un ECF dans leur déclaration de résultats, contre 128 000 l’année précédente, soit une hausse de 86 %. Cette progression témoigne d’une prise de conscience croissante de l’intérêt préventif du dispositif.

Parmi ces entreprises, 64 % ont effectivement transmis un compte-rendu de mission (CRM) à l’administration fiscale. Ce CRM, élaboré par le tiers de confiance, atteste du respect ou non des 10 points audités. Dans près de 20 % des cas, des déclarations rectificatives ont été déposées à la suite de la réalisation d’un ECF.

D’après une enquête menée par la DGFiP fin 2024 auprès des contribuables ayant signalé un ECF, 88% se disent satisfaits du dispositif, et 87% déclarent envisager sereinement l’éventualité d’un contrôle fiscal.



Un outil de sécurisation à double effet 

L’ECF n’est pas un simple audit formel : il ouvre des droits concrets pour l’entreprise qui s’y soumet. En transmettant le compte-rendu de mission faisant état des conclusions de conformité de chaque point, le professionnel fournit à l’Administration l’assurance raisonnable que la comptabilité est conforme.

En contrepartie, l’entreprise bénéficie des avantages suivants :

  • Diminution drastique du risque de contrôle fiscal ;
  • Sécurisation effective de l'aspect fiscal ;
  • Suppression des pénalités et intérêts de retard en cas de redressement sur un point validé.

Autrement dit, l’ECF permet de transformer une obligation redoutée (le contrôle fiscal) en une opportunité de fiabiliser ses pratiques et de dialoguer de manière apaisée avec l’administration.



Une reconnaissance concrète par la DGFiP

La DGFiP soutient activement ce dispositif. Il a en effet été confirmé par ses représentants que la transmission d’un compte rendu de mission ECF est désormais prise en compte dans les algorithmes de ciblage des contrôles, ce qui n’était pas encore le cas les années précédentes. Dans un contexte où plus de la moitié des contrôles fiscaux sont aujourd’hui déclenchés par des outils d’IA ou de data mining, il est stratégique pour les entreprises d’envoyer un signal positif. L’ECF devient donc un véritable bouclier fiscal.

L’Examen de Conformité Fiscale marque une étape importante dans la modernisation du contrôle fiscal des professionnels en France. Il illustre la transition d’un système fondé sur la sanction vers un modèle basé sur la transparence, la confiance… et la donnée. Pour les entreprises comme pour leurs conseillers, il devient un levier stratégique de sécurisation fiscale à inscrire dans une démarche plus large de conformité proactive.



II. La stratégie de la DGFiP et les chiffres du contrôle fiscal

1. La DGFiP, pionnière dans le data-mining des données comptables

Face à des enjeux budgétaires croissants et à une volonté affirmée de lutter contre la fraude fiscale, la DGFiP a engagé depuis plus de dix ans une transformation profonde de ses méthodes de contrôle. Cette stratégie repose sur une digitalisation massive, la généralisation du FEC, et surtout, l’intégration du data-mining dans ses processus de ciblage et d’analyse.



Une volonté de mieux cibler les dossiers et de renforcer les contrôles

Améliorer l’efficacité du contrôle fiscal est devenu une priorité stratégique pour la DGFiP. Plutôt que de multiplier les contrôles à l’aveugle, elle cherche à concentrer ses efforts sur les dossiers les plus risqués. Pour ce faire, elle s’appuie sur deux leviers principaux : la dématérialisation des données et l’analyse algorithmique à grande échelle.

C’est dans cette optique qu’a été lancé, dès 2014, le projet CFVR (Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes). Il vise à modéliser des profils à risque fiscal à partir d’anomalies récurrentes observées dans les redressements passés. Ces modèles sont ensuite utilisés pour prioriser les contrôles selon leur probabilité de succès.

L’un des éléments clés de cette stratégie est le FEC, qui fournit à l’administration une source de données exhaustive et normalisée, directement issue de la comptabilité des entreprises. Cette matière brute est aujourd’hui au cœur de la montée en puissance des contrôles automatisés.



L’exploration et l’analyse des données

Le data-mining regroupe l’ensemble des techniques permettant d’extraire, croiser et exploiter de grandes quantités de données en vue d’en faire émerger des signaux faibles, des incohérences ou des indicateurs de risque. Le projet CFVR repose sur l’agrégation de plusieurs bases de données internes et externes. Ces croisements permettent d’affiner les modèles de ciblage fiscal et de gagner en efficacité.

Dans le cas du contrôle fiscal, ces technologies permettent :

  • D’analyser automatiquement des millions d’écritures comptables ;
  • D’évaluer la cohérence entre la comptabilité et les déclarations fiscales ;
  • D’identifier des anomalies typiques de la fraude (TVA, charges, amortissements…) ;
  • Et d’orienter le travail du vérificateur sur les zones sensibles.

Les traitements informatiques effectués par la DGFiP

Pour contrôler le FEC, l’Administration s’est dotée de son propre logiciel de data-mining, Alto3. Il permet au vérificateur de réaliser différents traitements informatiques afin de détecter d’éventuelles anomalies. Il peut ainsi trier, filtrer, effectuer des classements et des calculs sur l’ensemble des données du FEC et lancer des requêtes spécifiques dans le fichier, à partir de critères prédéfinis.

Grâce à Alto 3, le contrôle du FEC devient plus rapide, plus précis, et potentiellement intégral, sans nécessairement mobiliser une équipe sur place.

Les points qui peuvent attirer l’attention du vérificateur

Au cours de ses analyses, le vérificateur est à même de passer en revue et d'exploiter l'intégralité des écritures du FEC.

Certains éléments sont tout particulièrement susceptibles d'attirer son attention. C'est le cas par exemple si le fichier comporte des ruptures de séquences dans la numérotation des écritures, allant ainsi à l'encontre des normes fixées à l'article A47 A-1 du LPF. Il peut aussi vérifier la cohérence de la comptabilité, notamment en reconstituant grâce au FEC les soldes des liasses fiscales déposées par l'entreprise.

Ces signaux ne conduisent pas automatiquement à un redressement, mais déclenchent des demandes de justification, voire des contrôles approfondis.



Vers la systématisation des contrôles

Le FEC n’est plus seulement un outil de vérification ponctuelle : il s’impose aujourd’hui comme le vecteur du contrôle fiscal moderne. Systématiquement demandé lors des procédures de contrôle, il constitue une source précieuse pour l’analyse automatisée des données comptables.

Dans ce contexte, on peut facilement imaginer qu’à terme, l’administration fiscale pourrait rendre obligatoire la transmission du FEC en même temps que la liasse fiscale, chaque année, et non plus seulement en cas de contrôle. Une autre piste, plus ambitieuse, serait un dépôt périodique (mensuel ou trimestriel) pour certaines entreprises, afin de permettre à la DGFiP d’opérer des contrôles continus ou "au fil de l’eau".

À ce jour, aucune de ces possibilités n’a été formalisée dans les textes, mais elles reflètent à la fois les recommandations de l’OCDE et s’inscriraient dans la volonté de l’administration de renforcer la place du FEC dans son dispositif de pilotage du risque fiscal.

Cette évolution se reflète déjà dans les outils mis à disposition des entreprises. Ainsi, dans le cadre de l’Examen de Conformité Fiscale (ECF), les deux premiers points contrôlés portent sur :

  • La conformité du FEC au format défini à l’article A. 47 A-1 du LPF ;
  • La qualité comptable du FEC au regard des normes et principes comptables.

Le FEC n’est plus seulement un support technique de contrôle, mais devient un indicateur de conformité fiscale à part entière. Sa bonne tenue est désormais un signal positif pour l’administration, et un levier pour réduire son exposition au risque de redressement.



2. Les chiffres clés du contrôle fiscal en France

Au-delà des évolutions méthodologiques, les derniers chiffres publiés par la DGFiP dans son rapport d’activité et son cahier statistique 2024 permettent de mesurer concrètement l’efficacité et l’orientation du contrôle fiscal.


Une performance en hausse

En 2024, la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) a demandé le recouvrement de 16,7 milliards d’euros de droits et pénalités, contre 15,2 milliards en 2023, soit une progression de près de 10 % en un an. Il s’agit du plus haut niveau depuis les 10 dernières années, porté notamment par les contrôles sur l’impôt sur les sociétés (4,1 Md€), les droits d’enregistrement (3,6 Md€) et la TVA (2,4 Md€).

Les encaissements réels atteignent 11,4 milliards d’euros en 2024, en hausse par rapport aux 10,6 milliards enregistrés en 2022 et 2023. Cette évolution illustre une amélioration du rendement du contrôle fiscal et de l’efficacité du recouvrement.



Moins de contrôles, mais mieux ciblés

Le nombre total de contrôles sur les professionnels (toutes procédures confondues) poursuit sa baisse : un peu plus de 279 000 opérations en 2024, contre 297 000 en 2023 et 303 000 en 2022. Cette diminution confirme un virage stratégique de l’administration : privilégier la qualité au volume.

Les contrôles sur pièces restent la procédure la plus fréquente et représentent 85% des contrôles des professionnels. Les vérifications de comptabilité sur place concernent 28 500 entreprises, tandis que les opérations à distance suite à une programmation étaient au nombre de 9 300. Ce dernier format, moins intrusif, tend à se généraliser ces dernières années.

A noter que l’Administration fiscale a déclaré qu’à partir de cette année, la transmission d’un compte rendu de mission de l’Examen de Conformité Fiscale entrerait en compte dans son algorithme de programmation des contrôles fiscaux. Un moyen de reconnaître le civisme fiscal des entreprises qui s’y prêtent.



L'IA devient l'architecte des contrôles

Le recours à l’intelligence artificielle et au data-mining dans la programmation des contrôles est désormais la norme. En 2024, 56 % des contrôles ont été initiés via des outils de ciblage automatisé, un taux stable par rapport à 2023, mais en hausse de 11 points depuis 2021.

Ces contrôles “prédictifs” ont permis de mettre en recouvrement 2,5 milliards d’euros en 2024, contre 2,1 milliards un an plus tôt. Cela représente environ 15 % de la totalité des droits et pénalités notifiés.



III. Se préparer efficacement : analyses préventives et conformité

1. Mettre en place un pré-contrôle fiscal en entreprise

Pour se préparer au contrôle fiscal nouvelle génération, les entreprises cherchent à se placer sur un pied d'égalité avec l'administration fiscale. La solution réside dans la mise en place d'analyses en amont afin de fiabiliser leur Fichier des Écritures Comptables et de limiter leurs risques.

 

Les entreprises emboîtent le pas du vérificateur

En analysant le FEC, les agents de la DGFiP peuvent désormais passer en revue l'exhaustivité des écritures comptables d'un exercice. Grâce au data-mining, ils sont en mesure d'identifier des incohérences ou des erreurs qui étaient potentiellement plus difficiles à déceler auparavant. L'enjeu est de taille pour les entreprises : pour éviter de lourds redressements, il est indispensable de s'adapter.

Elles cherchent donc à se doter des mêmes armes que le vérificateur afin de pouvoir elles aussi faire parler leur comptabilité. L'analyse des FEC s'ancre progressivement dans leurs pratiques.

 

Soumettre son FEC à un « pré-contrôle fiscal »

Pour éviter toute mauvaise surprise lors des contrôles, et ne pas être confrontée aux questions du vérificateur sans y être préparée, chaque entreprise a tout intérêt à contrôler elle-même son FEC. Ce travail d'analyse approfondi permet de s'assurer, en amont de tout contrôle, que le fichier ne comporte pas d'anomalies. Et le cas échéant, de pouvoir les corriger ou préparer des explications à adresser au vérificateur.

Dans un effort d'accompagnement, l'Administration propose d'ailleurs elle-même la possibilité de vérifier le FEC : elle a ainsi mis à la disposition des entreprises un outil dénommé « Test Compta Demat ». Ce logiciel téléchargeable en ligne permet, selon la DGFiP, de vérifier le respect par le fichier des normes édictées à l'article A47 A-1 du LPF.

Il a le mérite d'exister et d'être relativement facile d'utilisation. Mais Test Compta Demat présente certaines insuffisances pour qui souhaite être pleinement préparé à un contrôle fiscal. Il permet seulement de réaliser des tests de structure. D'autres outils de test du FEC plus élaborés permettent cependant de dépasser ces limites, et de soumettre le fichier à un véritable « pré-contrôle fiscal ».

 

2. Analyser son FEC avec méthode

Tester la conformité technique du FEC

Premier niveau d’analyse indispensable pour se préparer à un contrôle : s’assurer que son Fichier des Écritures Comptables (FEC) est conforme aux normes techniques définies par l’administration fiscale. Cette exigence est posée par l’arrêté du 29 juillet 2013, qui encadre le contenu et le format du FEC à travers l’article A.47 A-1 du Livre des procédures fiscales (LPF).

La vérification porte à la fois sur :

  • La structure du fichier (ordre et présence des champs, nommage, séparateurs, encodage) ;
  • Et la validité du format des données (dates, montants, pièces justificatives…).

À titre d’exemple, le FEC doit obligatoirement contenir les 18 champs requis, dans l’ordre prescrit, avec les bons intitulés. Une simple erreur dans la casse, l’ordre des colonnes ou le séparateur utilisé peut suffire à entraîner son rejet par le vérificateur.

Et ce risque est loin d’être marginal. Une étude menée par notre équipe sur plus de 10 000 FEC analysés via ComptaSecure a révélé que 22,5 % des fichiers comportaient un ordre incorrect des champs, en contradiction avec le tableau du point VII-1° de l’article A.47 A-1. Ce chiffre souligne que même la conformité technique, apparemment simple, reste source d’erreurs fréquentes.

Cette exigence n’est pas une formalité. Si la DGFiP a fait preuve de tolérance dans les premières années d’entrée en vigueur du FEC, son niveau d’exigence s’est considérablement accru. Un FEC non conforme peut aujourd’hui être considéré comme inexploitable, avec à la clé des sanctions pour opposition à contrôle fiscal.

 

Contrôler la qualité comptable

S'il faut se plier aux exigences de l'Administration concernant la structure du FEC, qui garantissent sa capacité à l'exploiter, les entreprises cherchent aussi à éprouver la qualité comptable de leur fichier. Celle-ci fait en effet l'objet d'une attention particulière lors des contrôles.

Il est donc recommandé d'examiner son FEC en vue de déceler d'éventuelles incohérences et de vérifier la qualité des données contenues dans le fichier. De nombreuses anomalies sont en effet susceptibles de provoquer des questions de la part du vérificateur.

C'est le cas par exemple lorsque différents libellés sont utilisés pour une seule et même écriture, ou lorsque la chronologie des dates de comptabilisation et de validation n'est pas logique. Des particularités qui peuvent survenir du fait d'une erreur de saisie, ou d'un problème de paramétrage de l'ERP par exemple. Il convient donc, en contrôlant le FEC, de s'assurer du respect des procédures comptables et de la justesse des enregistrements.

Dans 7% des FEC analysés par ComptaSecure, des alertes ont été émises concernant :

  • L'équilibre des écritures,
  • La présence et la signification du libellé de l'écriture,
  • Le respect de la chronologie entre les dates des écritures, des pièces justificatives et de validation.

À noter : la conformité technique du FEC et sa qualité comptable sont également les deux premiers points audités dans le cadre de l’Examen de Conformité Fiscale.

Réaliser un ECF peut ainsi être un moyen complémentaire de formaliser cette démarche de conformité, en s’appuyant sur un tiers de confiance et en bénéficiant, le cas échéant, d’une protection vis-à-vis des pénalités en cas de contrôle.

 

Prévenir le risque fiscal

Pour une entreprise, tester son FEC en amont des contrôles est également une manière de se prémunir face au risque fiscal. À la suite de l'examen de la conformité du FEC, le vérificateur s'attache à déterminer si l’entreprise n’a pas indûment éludé certains impôts. Le cas échéant, il propose un redressement assorti d'éventuelles pénalités.

Or, grâce au FEC, le vérificateur peut par exemple effectuer des requêtes spécifiques concernant la TVA sur l'ensemble des écritures, ou les classer par taux de TVA. Il peut aussi aisément reconstituer une balance générale de l'entreprise et donc la comparer aux informations transmises dans sa liasse fiscale.

Les entreprises gagnent donc à explorer elles-mêmes leur FEC pour repérer par exemple des cas de TVA collectée non facturée, ou s'assurer de sa concordance avec les informations transmises dans leurs déclarations fiscales. Il s'agit pour elles d'être en mesure d'anticiper le risque en matière de TVA comme d'IS.

66,6% des FEC de notre échantillon étudié comportent des mots-clés susceptibles d’attirer l’attention du vérificateur, à l’instar de « Villa » qui apparaît dans 13% des fichiers, ou encore de « privé » dans 22%. Des tests permettent aussi de détecter de la TVA trop-déduite sur les factures fournisseurs – dont une potentielle présence a été repérée dans plus de la moitié des fichiers – ou de la TVA non collectée à tort, identifiée dans presque un FEC sur cinq.

 

Contrebalancer les rappels de taxes

Soumettre son FEC à différents tests peut aussi fournir des arguments utiles à mettre en avant au cours du contrôle. La Charte des droits et obligations du contribuable vérifié le rappelle : l’entreprise a le droit à un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Quelles que soient les modalités du contrôle, il est toujours possible d'échanger avec lui.

Cette discussion peut être l'occasion de vérifier que l'entreprise bénéficie bien de l'application de mécanismes - tels la règle de la cascade ou la correction symétrique des bilans - prévus pour garantir l'équilibre du contrôle fiscal. Mais le dialogue peut aussi servir à formuler certaines demandes.

C'est le cas lorsque les investigations du vérificateur le conduisent à remonter plusieurs exercices en arrière. Si l'entreprise a identifié, en explorant son FEC, des montants de TVA déductible omise au cours de l'exercice en question, elle peut solliciter l'application d'un dégrèvement afin de diminuer d'autant les rappels de taxes à régler.



IV. La notice explicative du FEC : une pièce stratégique à ne pas négliger

1. Les enjeux de la notice explicative du FEC

Pour gagner en sérénité, les entreprises ont intérêt à produire et analyser leur FEC de manière régulière. Mais elles gagneraient aussi à apporter un soin particulier au document explicatif qui peut accompagner ce fichier.

 

Qu’est-ce que c’est ?

En même temps qu'elle transmet son FEC, une entreprise contrôlée peut fournir au vérificateur un fichier complémentaire. Appelé « notice explicative » ou « document explicatif », il fournit un descriptif détaillé du FEC et apporte ainsi des informations supplémentaires sur ce fichier.

Les textes officiels sont relativement avares d'informations au sujet de cette notice. Le BOFIP, dans le paragraphe 390 du BOI -CF-IOR-60-40-20-201 70607, donne seulement quelques détails, indiquant notamment que : « Lorsque des informations contenues dans le fichier font référence à des codifications spécifiques en usage dans l'entreprise, il est nécessaire de fournir un descriptif détaillé, prévu au XI de l'article A. 47 A-1 du LPF[...] ».

Si peu d'indications sont données quant à son contenu, le BOFIP précise tout de même qu'elle peut être fournie sous format Word ou PDF par exemple. Ce qui, pour rappel, n'est pas le cas du FEC.

 

Quelle est sa finalité ?

La première fonction de la notice explicative est de fournir au vérificateur l'ensemble des informations facilitant la lecture et la compréhension du FEC de l'entreprise.

Ce document rend compte des éventuelles particularités dans la tenue de la comptabilité de l’organisation et des spécificités du FEC. En le rédigeant, l’entreprise fournit un effort de pédagogie en directions des agents de la DGFiP. L’attention portée à son élaboration peut donc être vue comme un gage de bonne foi et une première étape dans l’instauration d’un véritable dialogue avec le vérificateur.

La notice explicative peut également servir à signaler et expliciter les points du FEC qui pourraient sembler anormaux, voire suspicieux. L’entreprise peut ainsi devancer les questions du vérificateur et lui apporter de premiers éléments de réponse sur ces sujets.

 

2. Comment rédiger la notice explicative du FEC ?

Fournie au vérificateur en début de contrôle, en même temps que le FEC, la notice explicative est à rédiger avec attention. Pour élaborer ce document, il est recommandé d’y préciser :

  • Les informations de base sur l’identité de l’entreprise, l’exercice couvert par le FEC, le type de fichier,
  • Les précisions sur les formats et le type de caractères utilisés au sein du fichier (par exemple pour les séparateurs de champs),
  • Le détail des usages spécifiques de l’entreprise concernant la tenue de sa comptabilité (explication des codifications ou des systèmes de numérotation par exemple),
  • Les éventuelles anomalies présentes dans le FEC en explicitant leur origine (problème de paramétrage ou erreur de saisie notamment).

Un cas particulier concerne les entreprises ne dépassant pas certains seuils d’activité et ayant confié leur tenue comptable et le dépôt de leurs déclarations de TVA à un cabinet d’expertise-comptable. La DGFiP tolère sous certaines conditions que la validation des écritures fondant ces déclarations de TVA n’ait lieu qu’au moment du dépôt de la liasse fiscale annuelle. L’entreprise doit alors préciser dans la notice explicative de son FEC l’organisation de la tenue de sa comptabilité et les modalités d’établissements et de dépôt de ses déclarations de TVA.

De manière générale, faute de consignes précises dans la loi sur le contenu de ce document, le travail de rédaction de la notice explicative du FEC peut soulever plusieurs interrogations. Le suivi d’un modèle préétabli est un bon moyen de se faciliter la tâche.